SUR LES TRACES DE JACQUES ROUMAIN

Mais quand donc ô mon peuple (…)
reconnaitrai-je la révolte de tes mains ?

Soulevée par Jaques Roumain au XXeme siècle, cette question peut paraître aujourd’hui révolue alors qu’elle garde encore tout son sens.

Pourquoi une révolte au XXeme, ou au XXIeme siècle en Haïti ?

Pourquoi préciser la révolte de tes mains ?

Est-ce qu’il y avait dans l’histoire une révolte dictée ou importée ?

La révolution de 1804, si elle a résolu le problème de la liberté – à considérer la société haïtienne au lendemain de l’indépendance – n’a pas su résoudre la question de l’égalité. 

Jean Fouchard (1988), écrivain haïtien, a consacré tout un ouvrage à ce sujet, Les marrons de la liberté, selon lequel la seule fierté des marrons était d’avoir été les précurseurs et les témoins de cette cause noble, la liberté, tout en montrant que nul, en parlant d’eux, n’a réellement soulevé la question des marrons de l’égalité.

Les esclaves ont-ils lutté pour l’égalité ?

Tout est à étudier dans la société qu’a accouchée la révolution après 1804.

La société haïtienne, comme fille de la société Saint-Dominguoise, à défaut d’une rupture totale que devrait réaliser la révolution, est restée et reste une société compartimentée, fragmentée, divisée, avec une existence flagrante de classes sociales.

Les blancs chassés en haut de l’échelle sociale, les mulâtres, comme fils de colons, n’ont pas pris du temps pour remplacer leurs pères sur toutes les formes.

Les nouveaux libres malgré qu’ils ont pu secouer les jougs de l’esclavage, étaient donc loin de devenir les égaux des hommes de couleur. Et pour cela étaient restés les esclaves d’une nouvelle classe sur une forme plus complaisante.

Dessalines, conscient de cet état de fait et comme père de l’indépendance a osé pointer la plaie du doigt en disant: « Et les pauvres nègres dont les pères sont restés en Afrique, ils n’auront donc rien ?« 

Mais sa mort occasionnée a puni son insolence et son ambition de créer une société équitable.

Travail inachevé. Chantier ouvert.

Haïti a besoin d’une révolte après une révolution.
Une révolte puisqu’on ne saurait parler de révolution qui est un bouleversement général. 

Une révolte qui pourra supprimer la domination et la suprématie d’une classe étrangère en Haïti. Qui pourra remettre en question cette oligarchie insouciante.

Jacques Roumain, écrivain engagé, à plusieurs reprises incarcéré pour ses idées communistes, a peut-être vu juste en disant : « Le poète est la conscience réfléchie de son époque (…) son art doit être une arme de première ligne au service du peuple. »

Les intellectuels, les écrivains, les descandants de nègres, les plébéins doivent une fois encore conjuguer leurs forces pour sortir le pays sous le joug de ce néo-servitude mis en place par une élite blanche et prédatrice. 

Qu’ils prennent ces mots pour une incitation à la violence mais le peuple a besoin encore une fois de cette formule « koupe tèt, boule kay » dès qu’il est avant tout en mesure d’identifier les bonnes têtes à couper et les bonnes maisons à brûler.

Puisqu’aujourd’hui encore, au XXIeme siècle, il ne peut exister cette double réalités dans un seul et même pays où la masse croupit dans la misère et une élite sanguinaire gobe la sueur et le sang des prolétaires exploités, humiliés, tout mal rémunérés. 

L’État haïtien au même titre doit lutter aussi pour sortir sous le joug de cette dépendance d’un secteur privé qui lui dicte sa démarche.

Il faut l’émergence d’une élite haïtienne en Haïti.
François Duvalier l’un des premiers à réellement théoriser cette tendance aurait pu changer l’ordre des choses, si sa politique et sa démarche, n’étaient pas ce qu’on sait.

Loin de proner l’émergence d’une classe noire comme lui, ce qui peut paraitre raciste, il est une nécéssité de faire d’Haïti un pays pour les haïtiens. 

Car si la plupart des gens laissent le pays pour d’autres horizons, d’autres contrées où ils seront reçus avec force humiliation et déceptions, c’est parce qu’ils se sentent souvent des etrangers sur leurs propres terres, des exilés dans leurs propres pays, des esclaves d’un système sudoriphage*.

Haïti aux haïtiens !

Il faut une révolte née des bras de nègres et de négresses de ce pays, harassés de vivre dans une condition aussi inhumaine et décevante.

Il faut une révolte puisque 95% des richesses d’un pays ne peut être entre les mains de 10% de la population.

Il faut une révolte pour changer l’ordre des choses.

Tout commence par une pensée, puisque l’idée est le germe de toute action, l’avenir de ce peuple est à construire, à planifier, à arracher des griffes des exploiteurs, et non à attendre.

Sinon, ce peuple, cette race, pour reprendre sur une forme plus intelligente, les mots du rappeur américain, aura tort de choisir son esclavage.

©Elbeau Carlynx

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